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Tyson Fury : la résurrection du Gypsy King

La division des poids lourds serait bien différente aujourd’hui si Deontay Wilder, qui avait alors un palmarès de 40-0 (39 KOs), avait laissé les choses couler. En mars 2018, après avoir battu un autre boxeur invaincu en la personne de Luis Ortiz, l’américain s’est mis en quête de son prochain défi. Un combat de titans contre Anthony Joshua, qui était lui-même invaincu à l’époque.

On a entendu tout et son contraire à propos de ce combat, et les propos diffèrent selon la personne qui raconte l’histoire, mais la vérité est bien plus simple qu’il n’y parait : tout le monde savait que ce combat était mort né. Le Bronze Bomber avait besoin d’un adversaire de renom pour continuer sur sa lancée et continuer à profiter de l’engouement qui s’était créé autour de lui.

À cette époque, un ancien champion poids lourd invaincu du nom de Tyson Fury était sur la touche, deux ans et demi après avoir battu l’ancien champion des lourds Wladimir Klitschko. Après cette victoire obtenue à la surprise générale, les deux hommes devaient s’affronter dans un combat revanche, mais c’est un Tyson Fury en surpoids et qui n’affichait aucune ambition sportive qui s’est présenté à la conférence de presse.

Tyson Fury se moque de son ancien adversaire« Regarde moi ! T’as même pas été foutu de battre un gros lard comme moi ! » avait lancé Tyson Fury à Wladimir Klitschko

Peu de temps après cet épisode, le Gypsy King s’est retiré du combat revanche et a abandonné ses titres, dans ce qui semblait être son adieu au noble art.

Lors de son combat mythique contre Klitschko en novembre 2015, il pesait 112 kilos. Au début de l’année 2018, l’inactivité et son mode de vie hédoniste avaient fait grimper son poids à 181 kilos.

Sa prise de poids laissait deviner une vie d’excès, rythmée par la consommation excessive d’alcool et de cocaïne. Ses vieux démons avaient refait surface, et l’ancien champion s’enfonçait petit à petit dans une dépression aussi triste qu’inévitable.

La possibilité d’un combat entre Joshua et Wilder s’éloignant de plus en plus, Wilder et Fury ont de leur côté commencé à discuter d’un éventuel combat.

Pour celui que l’on surnomme « The Gypsy King », l’attrait d’un combat contre Wilder lui fournirait la motivation nécessaire pour remettre de l’ordre dans sa vie. De son côté, Wilder pourrait affronter un challenger invaincu, prétendant au titre de champion poids lourds et dont le nom serait reconnu. Tout ce que Fury avait à faire, c’était de gagner quelques combats de préparation pour se remettre en marche et espérer attirer l’attention du grand public.

Fury remonte sur le ring le 9 juin 2018, contre l’Albanais Sefer Seferi, qui présente un palmarès de 23-1. Après trois rounds de spectacle plus que de combat, Fury a décidé d’accélérer les choses dans le 4ème round. Son adversaire, épuisé, finit par abandonner dans son coin. Tyson Fury remporte donc son premier combat retour par TKO au 4ème round.

Deux mois plus tard, le Gypsy King est de retour sur le ring. Il a perdu 8 kilos depuis son dernier combat et affiche désormais un poids de 116 kilos. Il domine facilement son adversaire Francesco Pianeta dans un combat assez ennuyeux et à sens unique.

Le combat à peine terminé, Wilder monte sur le ring pour un face-à-face et un trashtalk de haut niveau pour hyper le combat entre les deux hommes, qui devrait se dérouler en décembre.

Tyson Fury vs Deontay Wilder annoncé après la victoire de l'anglais contre Francesco Pianeta
Tyson Fury et Deontay Wilder en août 2018, après la victoire du britannique face à Francesco Pianeta.

A ce moment-là, tous les observateurs s’accordaient à dire que Tyson Fury n’était là que pour prendre son chèque. Il échangerait son palmarès parfait contre un gros chèque et son nom s’ajouterait à la longue liste d’adversaires terrassés par le Bronze Bomber.

Mais on était en réalité très loin de la vérité..très très loin.

Le 1er décembre 2018, les deux combattants invaincus se sont affrontés au Staples Center de Los Angeles, en Californie. Dès le début, il était évident que sur le plan stylistique, Fury était une énigme que Wilder aurait du mal à résoudre. Sa mobilité permanente, ses feintes constantes et un jab très actif ont mis Deontay Wilder en difficulté. Fury n’envoie pas une tonne de coups puissants, mais il est clairement le combattant le plus actif, qui dicte le rythme du combat. Lorsque Wilder frappe à son tour, il ne fait que brasser de l’air, car Fury est dans le rythme du combat et semble parfaitement à l’aise sur le ring. Mais pouvait-il maintenir ce rythme ? Après tout, il s’agit d’un homme qui a maltraité son corps pendant deux ans et demi avec toutes les substances possibles et qui n’a pas été confronté à un cogneur depuis bien longtemps.

Round après round, le même scénario se déroulait, Fury évitait les énormes crochets de Wilder tout en touchant son adversaire juste assez pour gagner les rounds. À l’approche du neuvième round, Fury a une bonne avance sur le pointage des juges, et le règne de Wilder semble s’éloigner au fil du combat.

Mais un gros cogneur comme Wilder n’est jamais fini…et il finit par placer deux énormes missiles qui envoient Fury au tapis. Fury doit maintenant survivre le reste du round face à un boxeur connu pour être un finisseur. Et il parvient à le faire avec brio. A l’annonce du dixième round, Wilder repart au combat fatigué, tant il a dépensé d’énergie pour mettre KO son adversaire. De son côté, Tyson Fury temporise habilement avec des jabs et directs qui touchent.

Le 11e round se déroule de la même manière :  le Gypsy King évite les gros coups d’un Wilder désespéré. Mais dans le 12ème round, coup de tonnerre. Le 12ème et dernier round à peine entamé, Wilder décoche une droite surpuissante qui touche Fury suivie d’un crochet du gauche qui semble l’achever alors qu’il est déjà en train de s’effondrer. Le monde entier pense alors que le combat est terminé.

Tyson Fury's resurrection against Deontay Wilder was the greatest recovery ever seen in a boxing ring - Tell My Sport
« Je pense pas qu’il se relèvera.  Je pense que c’est terminé ! […] Je n’en crois pas mes yeux, il s’est relevé ! » John Rawling (le commentateur) s’est presque étranglé en voyant Fury se relever.

Alors que l’arbitre Jack Reiss en est déjà au compte de six, Fury est toujours allongé sur le dos, les yeux tournés vers le plafond du Staples Center. Quand soudain, comme par miracle, Fury se relève avant les dix secondes imparties. Surréaliste.

Wilder lui-même semble sous le choc, tant la scène semble impossible.

Mais une fois relevé, Tyson Fury n’a pas encore fait le plus dur : il lui faut encore tenir plus de deux minutes face à un Bronze Bomber survolté et qui se déchaine sur son adversaire. Plutôt que d’essayer d’accrocher son adversaire et de jouer la montre, Fury décide de mettre la pression à son adversaire et lui assène une violente droite en plein visage.

Alors que les secondes s’égrènent, c’est Fury, l’homme qui était au sol et presque inanimé une minute plus tôt, qui attaque jusqu’au gong final.

Tyson Fury, qui avait surmonté tant d’épreuves et de d’adversité pour en arriver là, semblait avoir déjà remporté sa plus belle victoire. Sa victoire sur la dépression et face à lui-même, son ancien lui qui l’avait amené si bas.

Mais la décision finale incombe aux juges. Et quand le pointage des juges est annoncé, les scores sont partagés. L’un donne 113-113, l’autre 115-111 pour Fury et le troisième juge donne 114-112 pour Wilder. Résultat officiel : match nul.

Dès l’annonce de ces résultats, les deux combattants parlent d’une revanche. C’est une fin terrible pour un combat dans lequel Fury a joué le rôle du matador face au taureau Wilder, pour finalement ne pas s’imposer.

Aux yeux de tous, Fury est le vainqueur. Vainqueur sur le ring, où il a aisément pris le dessus sur son adversaire. Vainqueur auprès du grand public, qui a su apprécier ce grand dadais et ses déplacements faussement patauds. Et surtout, vainqueur magnifique, qui a triomphé face à son plus tenace adversaire : lui-même. En revenant sur le ring et en prouvant à tout le monde qu’il était non seulement capable de rendre coup pour coup mais surtout de battre Deontay Wilder, Fury a prouvé une chose : des renaissances miraculeuses sont possibles. 

C’est ainsi que réapparut le Gypsy King.

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