Home MMA UFC Benoît Saint-Denis : la bravoure d’un guerrier sans armure

Benoît Saint-Denis : la bravoure d’un guerrier sans armure

Benoit Saint Denis lors de l'UFC 267

Invaincu en carrière avant son premier combat à l’UFC, Benoît Saint-Denis cristallisait les espoirs du public français, déjà galvanisé par les exploits de Ciryl Gane cet été.

Pour ce combat, il affronterait le brésilien Elizeu « Capoeira » Dos Santos, affichant un palmarès honorable de 23 victoires pour 7 défaites. Un adversaire de qualité, à la hauteur du talent dont avait fait preuve Saint-Denis lors de ses précédents combats.
Il était difficile pour le français d’espérer de meilleures conditions : un combat en carte préliminaire de l’UFC 267, diffusé sur ESPN+ et dans une carte qui comportait 2 combats pour le titre. Difficile également d’imaginer ce qui allait se passer dans la cage.

 

Benoit st denis pesée ufc
Benoît Saint-Denis lors de la pesée de l’UFC 267, affichant un poids de 77 kilos sur la balance.

 

Le grand début à l’UFC

Nerveux à l’entame du combat (Daniel Cormier avait notamment insisté sur cette nervosité apparente qu’il devinait dans les yeux de Saint-Denis), le français optait pour une attitude prudente, sans pour autant être attentiste. Après tout, qui pourrait lui reprocher cette prudence pour ses débuts dans la plus grande organisation de MMA au monde ?

Benoît Saint-Denis réalise une bonne partie de premier round, et parvient à se défaire brillamment d’une tentative de guillotine entamée par son adversaire. Assez timide dans ses combinaisons, il parvient toutefois à toucher son adversaire avec succès à plusieurs reprises. Les échanges se poursuivant, le manque d’expérience du « God of War » commence cependant à se faire ressentir progressivement. Face à un vieux briscard comme Dos Santos, vétéran rompu à l’exercice, certaines erreurs ne passent pas. En connaisseur, celui-ci possède des réflexes et des automatismes que son adversaire n’a pas encore. Ainsi, lorsque Saint-Denis tente un takedown dans le premier round, son adversaire réagit instantanément et lui assène un violent coup de genou en plein visage, stoppant net la tentative. C’est également ce manque d’expérience qui va coûter cher au français lors des échanges en striking ; par deux fois, son adversaire le contrera durement avec des crochets (notamment après un crochet gauche manqué par Saint-Denis).

Le premier round terminé, le jeune débutant de l’UFC commence à montrer des petites faiblesses dans son arsenal, mais sa prestation est loin d’être ridicule. Le second round ayant déjà causé son lot de polémiques et de controverses, nous ne l’aborderons pas ici, chacun aura pu se faire sa propre opinion par soi-même.

 

Benoit Saint Denis vs Elizeu Dos Santos
Dans le premier round, Benoît Saint-Denis a eu ses moments, touchant le brésilien notamment avec plusieurs kicks.

 

Une véritable bataille stratégique

A l’entame du troisième et dernier round, c’est un Benoît Saint-Denis bien mal en point qui fait face à son adversaire dans la cage. Son visage tuméfié et son nez cassé contrastent avec le visage presque immaculé de son adversaire. Malgré son visage nettement moins marqué, Dos Santos affiche en revanche une fatigue visible, conséquence logique d’un second round dans lequel il aura tout donné pour mettre un terme au combat coûte que coûte. L’affrontement reprend de plus belle, et c’est là que l’histoire de Saint-Denis s’écrit réellement.

A partir de ce moment-là, deux axes de lecture sont possibles. Tout d’abord, d’un point de vue quelque peu idyllique, Benoît Saint-Denis est en tous points semblable à un chevalier. Sachant le combat perdu d’avance, il se lance malgré tout corps et âme dans la bataille, se battant jusqu’au bout, pour une cause qu’il sait pourtant vaine, puisqu’il a été très largement dominé par son adversaire, qui mène alors 2 rounds à 0. Plus prosaïquement, le jeune combattant de 25 ans sait surtout que son adversaire ne pourra pas tenir sur ce rythme effréné, puisqu’il a tout misé sur le round précédent et qu’il est désormais à bout de souffle. Dès lors, celui-ci est bien plus atteignable, car ses jambes sont plus lourdes, ses mains sont moins précises et sa défense est donc moins bonne. De plus, Saint-Denis n’a rien à perdre à tenter le tout pour le tout et chercher le KO. Le combat étant déjà perdu à ce moment-là, s’il venait à s’incliner lui-même par KO, il n’y aurait pas de regrets à avoir. Le troisième round, bien que moins équilibré que le premier, est tout de même plus disputé que le second. Victime d’un eye-poke dans ce dernier round, Benoit Saint-Denis semble se plaindre à l’arbitre au moment-même où celui-ci lui fait signe que le combat va reprendre.

Un arbitrage plus que douteux

Si l’arbitrage avait déjà semblé très étrange au cours du combat, cet évènement fait cette fois-ci entrer l’affrontement dans la confusion et la bizarrerie la plus totale. En effet, les images montrent de manière claire l’eye-poke, ce que Dos Santos lui-même ne conteste pas. Dès lors, comment se fait-il que le combat reprenne alors que l’un des deux combattants est clairement désavantagé par un élément imprévu et involontaire ? Sa vision compromise dès l’entame du round, Benoît Saint-Denis perdra logiquement ce dernier round.

 

Arbitre UFC 267
Bien malgré lui, l’arbitre Vyacheslav Kiselev aura été l’un des acteurs clés de ce combat.

 

Daniel Woirin et Benoît Saint-Denis : une histoire de loyauté

Beaucoup de choses ont été dites, redites et contredites à propos de ce combat. Le combat aurait dû être arrêté avant. Son coin aurait dû l’arrêter. L’arbitre n’aurait jamais dû être là. Mais peut-on réellement reprocher à Daniel Woirin, l’entraîneur de Saint-Denis, d’avoir cru en lui ? Un tatouage sur le corps de Benoit Saint-Denis envoie un message fort : l’armure de samouraï visible sur son bras droit. Selon les préceptes traditionnels, un samouraï est loyal et dévoué à son maître, et donc prêt à mourir pour celui-ci. La relation avec Woirin pourrait être comparable. Car, ce qui s’est joué ce soir-là est bien plus qu’un simple évènement sportif : c’est avant toute une histoire de loyauté entre deux hommes. Loyal, le combattant souhaite aller jusqu’au bout pour son coach. Le coach, de son côté, exprime sa loyauté en ne jetant pas l’éponge, respectant ainsi son engagement avec le combattant.

Néanmoins, certains diront que de tels coups encaissés sont néfastes pour la santé du combattant, et il serait difficile d’affirmer le contraire. Et, comme le rappelait Daniel Cormier, le plus important n’est pas de survivre à un combat, mais d’être en mesure de livrer d’autres combats par la suite.

 

 

Benoît Saint-Denis avait promis une véritable guerre pour ce 30 octobre 2021. Cette expression de « livrer une véritable guerre » a été tant de fois utilisée dans le monde du MMA qu’elle en était devenue risible, d’autant plus que cela reste avant tout du sport…Ce n’est certes pas la guerre, mais c’est plus que du sport. C’est un sport de guerrier.

Martial jusqu’au bout, Benoît Saint-Denis est un exemple de résilience, non pas aveugle, mais consciente et volontaire. Loin d’être un martyr, il aura livré jusqu’au bout un combat perdu d’avance, mais avec gloire et splendeur.

Sans armure, mais avec la croix portée sur la poitrine, ce Templier des temps modernes aura bataillé jusqu’au bout…en vain.